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Errat'homme

  • Photo du rédacteur: Antoine Kauffmann
    Antoine Kauffmann
  • 7 avr.
  • 7 min de lecture

Dernière mise à jour : 13 avr.


"L’avenir de l’homme est la femme

Elle est la couleur de son âme

Elle est sa rumeur et son bruit

Et sans elle il n’est qu’un blasphème

Il n’est qu’un noyau sans le fruit

Sa bouche souffle un vent sauvage

Sa vie appartient aux ravages

Et sa propre main le détruit"


"Je vous dis que l’homme est né pour

La femme et né pour l’amour

Tout du monde ancien va changer

D’abord la vie et puis la mort

Et toutes choses partagées

Le pain blanc les baisers qui saignent

On verra le couple et son règne

Neiger comme les orangers"



En se promenant dans les rues de Rennes, on peut apercevoir sur le mur de la rue Vasselot ce placard signé "Petite poissone" : "Erratum. Contrairement à ce qui a été annoncé, la femme ne sera pas l'avenir de l'homme. Qu'il se démerde".


Chacun sait que notre bonne vieille cité de Reine fait bon augure de son nom, d'accueillir à bras grands ouverts la chatoyante communauté féministe et LGBT, arcs-en-ciel en pagaille s'ébaudissant dans la grisaille et les ciels mouillés de Rain. Un ciel de plomb, en vérité, pollué, qui se laisse envisager comme un augure de brouillard dans l'attente du souffle de l'Apocalypse. Retenons-le nôtre encore un peu, qu'il ne soit pas dit d'emblée que les psychanalystes sont des conservateurs, bien qu'à contempler l'ampleur du désastre à venir et déjà-venu on veuille bien se faire contempteurs du progrès en marche.


Marx définissait l'idéologie comme les idées dominantes d'une époque- à entendre : celle de la classe qui domine. Mieux : celles qu'il faut asseoir sur le démos pour qu'elle continue de régner. La cérémonie des Jeux Olympiques fut à ce titre un bel exercice de style, célébrant le bon goût de la fête parisien, joyeux banquet de toutes les débauches, communion dans le boudoir d'un Paris de l'entre-soi bourgeois, bigarré et irréverencieux, entre triangles amoureux racisés et Cène trans obèse : un vent de liberté sexuelle souffle sur la France. Est-ce tant mieux? Nous ne sommes pas là pour en juger. Mais il convient de prendre note du phénomène : le pouvoir véhicule "des valeurs" largement indifférentes à une majorité de Français. Notons aussi que ces valeurs s'incarnent à l'intérieur de communautés dont le lien consiste essentiellement dans le partage d'une jouissance identitaire qui concerne directement le corps.


Une caractéristique de notre époque, et peut-être un de ces marqueurs historiques, c'est la place que prend le corps dans le champ social en tant qu'il exhibe cette jouissance identitaire, fondamentalement narcissique. Marqué, tatoué, percé, stigmatisé, gonflé, trans-formé, il devient une chose "customisable", personnalisable, à l'instar des objets conçus par le marché pour entretenir l'imaginaire consumériste. Le phallus est ici palpable, ostensible, image, il s'incarne et se met quasiment à nu, recouvre d'un voile de plus en plus léger et fin la chair de l'objet en tant qu'il est essentiellement jetable, consommable, décheté. C'est une profusion de l'imaginaire à laquelle nous assistons, un pré-sentation du phallus qui remplace ce qui était auparavant sa re-présentation symbolique.


Le fétichisme de la marchandise quand ladite est devenue humaine, c'est la perversion généralisée. Puisque le fétiche est le factice qui nous leurre, dans une homologie de structure avec la phobie à la lisière de l'imaginaire et du symbolique, on ne s'étonnera pas que les rapports humains soient maintenant médiatisés par l'échange de nos corps et de nos moi, production industrielle et algorithmée par la grande machine binaire. C'est à faire sourire qu'on se le dise pas (binaire) quand on ne sait justement plus compter jusqu'à trois, c'est-à-dire jusqu'à l'Autre, et que l'autre du miroir lacanien devient le double sur lequel on s'arrête : c'est lui ou moi à moins que lui est moi. Il n'y là qu'une logique du deux à régresser à l'Un, qui sans reconnaître l'Autre fera bientôt de nos congénérés des psychotiques.


Nihilisme et absence d'époque, disruption, connexions à outrance et connes actions à outre transe, flatte toi la différence qu'on ne la repère pas-trop-mais-quand-même-temps, qu'à peine empêné le pénis nous peine. Mais la gonflette phallique imaginaire, sa gesticulation et son agitation frénétique, ne peuvent dissimuler le manque qui fait signe là-derrière, de son inquiétante étrangeté, dans les féries de notre calendrier festif, quand le néant excite un peu trop notre point d'angoisse, on se gave la poire à désespérer la masse d'avancer, sauf à s'amasser en pour ou contre, antis de tous bords et nantis de bêtise, marche des fiertés, des narcissismes, incels dans leurs cellules qui scellent "et ceux" sur les murs étroits d'une logique similaire à celles qu'ils combattent, féminisme à abattre le patriarcat sans dieu ni maître, quand le voeu pieu ignore que c'est justement là un maître Autre qu'on es-père, puisqu'être contre papa, c'est toujours être tout-contre lui.


L'avenir de l'homme ne sera pas la femme, mais l'avenir de la femme sans lui, quel est-il? Si on entendait un peu ce que la psychanalyse a à nous dire, on saurait que la femme, de n'être "pas-toute" phallique, n'en demeure pas moins prise par l'universel de son lustre, de sa brillance, et qu'elle lui voue d'ailleurs un culte encore plus grand quand elle se hisse au-dessus de tous ces bonhommes un peu faibles pour incarner les valeurs viriles.


L'autre moitié de sa vérité, elle ne saurait se dire. À l'ombre du phallus, le pas-tout ne vise qu'une origine sans nom, l'appel d'une béance impossible à se dire et qui ne peut dès lors pas faire lien social. Il n'y a aucune réponse autre que le signifiant et les lois de la parole et du langage, qui suppose toujours la perte de cet objet cause. Ces lois, elles désignent d'une façon tout à fait bête et logique des places qui sont irréductibles et inhérentes à la structure. Le signifiant est maître et nous sommes tenus de nous y assujetir. Et c'est toujours dans une relation au phallus que nous nous consolons de l'objet perdu. Le Un du signifiant fait marcher le maître, qui nous choisit bien malgré nous puisque c'est lui qui nous parle et nous ordonne. C'est de son ordre que nait le symptôme, mais aussi le désir. Vouloir l'abolir, c'est vouloir la mort du sujet.


Le poème d'Aragon - Zadjal, dont est issu ce fragment : "l'avenir de l'homme est la femme", nous parle du rêve dont est porteur l'humanité et qui l'amène à lui sacrifier sa vie, de n'en être qu'un chaînon, un instrument, un représentant. Il loue le don et l'oubli de soi dans l'idéal, la victoire contre les passions tristes, exalte les valeurs du renoncement, de la fraternité, fait du gage pour rien, du nadir de son existence le zénith des vertus stoïciennes.


La femme évoquée du poème, au-delà de ce qu'elle représente pour un homme, est la femme en tant qu'elle est notre cause à tous, représentante de cet objet a qui cause notre désir mais qui ne doit jamais se découvrir dans sa nudité. Rappelons au passage que le sexe est avant tout déterminé par la place que le sujet de l'inconscient aura choisi d'un côté ou de l'autre des formules de la sexuation, et ne recoupe pas nécessairement l'anatomie. Si "l'anatomie, c'est le destin", c'est qu'il n'y pas d'autre choix logique, structural, que celui d'être homme ou femme, étant entendu que nous sommes tous bisexuels.


La virilité à laquelle Aragon rend hommage, ce sont les vertus du phallus en ce qu'elles ont de plus commun,  ce mythe héroïque, prosaïque, toujours un peu vain mais source immortelle des narcissismes modestes, lot de consolation tendre pour ceux qui s'en remettent à ses gardiens, eux-mêmes en étant les héraults inconnus. Il enregistre le tribut de sang et de poussière versé aux vanitas. Demain n'est beau que d'être à jamais perdu. Aragon dresse une statue à l'humanité mais il l'invite à la renverser pour sa gloire : "pour demain fou, que meure hier". Le mouvement le plus ample et le plus beau de la vie humaine ne consiste-t-il pas à agrandir l'écart qui le mène à son désir, à mesure même qu'il cherche à le réduire ?


Répondre à la question : "quel est l'avenir de la femme ?", c'est évidemment se heurter à l'impasse dans laquelle se trouve aujourd'hui nos sociétés dans la mesure où à cette question se conjugue celle du père. Père venu organiser le rapport entre les sexes autour du phallus dans une répartition symbolique et imaginaire qui reléguait la femme du côté Autre, de ce qui doit être retranché du champ des représentations et de la jouissance phallique, du fait que sa jouissance, à Elle, La Femme, n'est pas susceptible d'être représentée, d'être dite. La part d'indicible et d'impossible qui la constitue se recouvre ainsi d'un voile de pudeur et de silence. Elle est inter-dite, réelle, elle échappe à ce qui peut se saisir d'un signifiant dont l'ordre dans la chaîne est sous-tendu par ce "point de capiton" qu'est le phallus, signifiant du manque et du désir.


La femme n'est "pas sans l'avoir". On peut aussi lire ce "pas sans" comme "pas-tout", qui marque son rapport au phallus mais également le ménagement d'un espace réservé qui correspond à la barre de l'Autre, S(Ⱥ). C'est un silence qui jouit derrière les mots et qui nous rend lalangue maternelle si belle et gracieuse, immaculée, faisant du parlêtre le nostalgique d'une terre de jouissance où le phallus n'existe pas mais qui n'a jamais existée.


Comment donc incrire le semblant d'un rapport, d'un lien social, en faisant fi (phi...) du phallus ? Car c'est, il semble, ce que certains groupes féministes recherchent, au-delà des rassemblements hystériques qui s'émeuvent de leur Penisneid et des foires irisées perpétuant la capture infantile dans le miroir tendu par un grand Autre maternel tout-puissant. L'idéal d'un âge d'or dont le secret serait la femme. La réalisation de cette utopie ne pourrait se faire sans sacrifier le phallus. Y tendre supposerait donc un rapport épisodique, en pointillé, comme un reste de "mâle" avec lequel il s'agirait de composer, tandis que le champ social serait harmonie, égalité, respect, compréhension, soutien, douceur, tendresse, communion, retour à la terre, amour de tous pour tous dans la spontanéité angélique de l'enfance retrouvée. Est-il nécessaire de rappeler que c'est un impossible? Cette société ne pourra qu'instaurer un principe de refoulement néfaste, surmoi maternel qui ne ménagera aucune possibilité de métaphorisation et de sublimation du mal puisqu'il refusera l'ordre phallique.





 
 
 

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