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Viol

Dernière mise à jour : 16 juin 2023

Le mot viol vient de violare (violer, profaner) infinitif de violo, qui vient de vis (force, violence), s'originant peut-être lui-même de vei (« être fort, puissant ») qui donne le grec ancien mís (« muscle, nerf, vigueur »). La forme étendue donne vita (« vie »), d’où le sens très abstrait de vis en tant que « essence de l’énergie vitale ». Le génie de la langue fait ainsi coïncider la vie-même avec l'intromission brutale d'une force venant "faire vis" dans le sujet.


Chez les victimes de viol ou de tout acte de violence sexuelle, d'effraction, d'intrusion, de pénétration survenu dans l'enfance et que l'amnésie n'a su recouvrir, il y a en quelque sorte manifestation visible, tangible, dicible, de ce qui chez la plupart d'entre nous est invisible et a à se taire, d'un impossible, d'un réel qui insiste de ne pas ex-sister. Cette vis-ibilité du traumatisme, venant redoubler celui qui fut la cause du refoulement originel chez chacun d'entre les parlêtres, dote la victime d'une affinité particulière avec ce savoir de la vérité, d'en repérer l'insistance et ce qui est venu la causer.


C'est ce qui fait le paradoxe du traumatisme sexuel venu prendre forme ; il est à la fois chéri et honni, puisqu'il réduit le sujet à n'être que son produit, en même temps qu'il vient lui donner naissance, consistance, faire germer en lui la graine de ce qui deviendra son propre fantasme . C'est comme si l'on avait vu la chose d'un peu trop près, le procédé de fabrication immonde d'une nourriture essentielle à notre subsistance. Ce qui demeure inconscient et agite la destinée du sujet sans qu'il n'en sache rien, devient ici matière, matérialité, ex-siste. Et si ce qui n'existe pas insiste, ce qui est venu à l'existence en tant que viol n'insiste que pour autant que cette existence, d'être insistance du réel, vient déborder, affluer, mais s'arrête à la lisière du signifiant, a-symbolisable.


D'être tous traumatisés mais oublieux de la cause, nous répétons et faisons le tour de l'objet sans parvenir à le saisir, rejetant la faute sur l'impuissance alors que c'est l'impossible qui le détermine. Cette cause, qui ne peut-être que sexuelle, est concomitante de l'introduction du parlêtre dans le langage, faisant structure de la division subjective dans cette rencontre avec ce lieu, ce Grand Autre dont il s'agira de signifier le désir et le pourquoi et qui est en vérité le trou, part manquante, arrachée, trace de l'objet a. Cet objet est la cause. C'est la rencontre entre le sujet et l'Autre, leur copulation impossible mais inévitable, dont la répétition dans la vie du sujet fera insistance d'un rapport sexuel qui n'existe pas.


Quelle différence se fait sentir quand le traumatisme sexuel se produit dans la réalité, réalité-disons-des faits, pour la dissocier de la fenêtre imaginaire à travers laquelle nous ressentons et interprétons le monde? Cette différence tient à l'angoisse. L'angoisse qui est celle qui se signale de toute approche de la saisie de l'objet dans sa vérité, dans sa nudité, dans sa crudité, et qui d'être saisie fait s'évanouir le sujet qu'elle cause. Quand l'effraction sexuelle se fait jour dans la matérialité historique du viol, le violeur dérobe au sujet sa consistance en en faisant un instrument au service de sa jouissance, comme Autre venu pour jouir de la chose qui lui manquerait, du sujet devenu objet petit a, mais petit a ainsi présentié au sujet. Une analysante a pu dire sa peur de "devenir le violeur", d'en porter ne serait-ce qu'un trait. Devenir lui, ce serait en quelque sorte s'annihiler, se réduire à devenir ce petit a, de ne plus "manquer du manque" en l'incarnant, venant ainsi manifester ce qu'il en est de la structure même de l'inconscient, d'être impossible, réel, vœu de mort.


Le viol met en quelque sorte en scène le traumatisme qui se déroule normalement sur l'autre scène, dans l'ombre, refoulée. Elle re-présente notre rencontre avec l'Autre, avec sa jouissance, avec, si j'ose dire, son sexe. Déterminant du même coup le nôtre, ainsi que notre fantasme, envers et contre tout, malgré le dol qui exige réparation, malgré la demande de reconnaissance de notre position de victime, d'objet, de déchet- le fantasme, d'être à jamais contaminé par cette effraction, est également déterminé par elle. Voilà qui pose problème : vivre sa subjectivité ne pourrait aller sans la commémoration du viol qui vint la causer, la crainte structurellement justifiée de s'identifier à son bourreau, de "devenir le violeur", et simultanément de basculer au statut d'objet. Paradoxe et impasse : franchir ce pas ne serait-il pas courir le risque de basculer dans la perversion? Ajoutons à cela que l'identification au violeur est d'autant plus redoutée qu'il est souvent un proche, un membre de la famille, notre chair, notre sang, notre inconscient.

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